A ceux qui savent ne pas savoir...

vendredi 4 septembre 2009

La trouvaille de l'orteil


Patiner. Un regard à mes pieds et mon grand orteil, sous ma chaussure en plastique, fend l’air froid, tel un marin à la proue de sa caravelle. Hissez haut moussaillons, je veux que la glace s’indigne sous ma lame et que l’écume fulmine sur mes dents. Vite. J’ai 64 ans. 64 ans que mon orteil se pavane sur la glace en pionnier valeureux, 64 ans qu’il s’imagine encore berner quelqu’un. Virage à droite. Et hop à l’abordage ! Sous les gerbes de quelques grains de glace, mon orteil surpasse un confrère. Sans tromper, il a pourtant réussi encore une fois à captiver mon imagination. Je le sens trancher le sol, les poils dans le vent, et réussir à gagner l’élégance du fameux goéland. J’ai 64 ans et parfois je ne crois pas être ce que mon âge supposerait.

Gagner la course, et perdre ses idées. Un peu de fantaisie pour du fantastique. C’est tout l’équilibre de ma vie. Un orteil contre tout. Un orteil pour du beurre. Les doigts dans le nez et les cheveux au vent. Un pied de nez aux modalités rituelles d’une vie de retraité. J’ai 64 ans et mon cœur s’embobine dans les mailles d’un conte pour enfant. Irrésistible envie de percer les mystères d’un engouement bien trop candide pour mon âge.

« Tâche de te comporter comme un adulte, tâche d’être plus raisonnable », quels sont donc ces sottises que l’on sort quand on prend de l’âge ? 64 ans que je vieillis, 64 ans que l’immaculée raison ne m’a pas soulagé. Allez convaincre par A+B un déprimé que la vie est douce. Devenir adulte, c’est un concept social, mais le corps, lui, se fiche bien des principes qu’on lui soumet. Nous ne sommes que des enfants, tout le long de notre vie, et plus on vieillit, plus on apprend à l’être volontairement.

La seule chose qui change, ce sont les patins à glace. Le social. Un patin à glace pour un petit bébé, un patin à glace pour un vieux monsieur. Mais l’orteil, lui, reste toujours à sa place, au bout de notre pied, au devant des aventures. Raisonnez et l’orteil n’est que sous votre chaussette. Imaginez, et la chaine de conséquences qui en suit, éveillera bien plus de souvenirs, de pensées ou de réflexions que la raison. Finie la patinoire stérile, finie la ville morose, un orteil prend les devants. 64 ans que je grandis, et ce que j’ai appris, c’est que grandir, c’est savoir être enfant.

Et mon orteil partira aux cieux.

mardi 3 février 2009

Prestige innocent d'une heure amoureuse


Donner au temps l’inutile moment de se perdre. Gagner dans l’onde des heures, la fugacité d’une seconde. Epandre des mots que rien ne peut tarir, ni dans les jours d’une nuit, ni dans les heures d’un instant. Discerner de la mélancolie, les saveurs subtiles de joies délaissées. Attiser son esprit de brindilles d’allégresse, et y brûler les tourments qui nous blessent. Mettre au monde l’euphorie qui nous lie, dans ce néant de la vie que chacun envahit. Chausser le rôle du magicien, qui de rien, fait le tout et du tout, la magie. S’exclamer de sa propre destinée et en boire le nectar de ses fruits. Battre son cœur de ses propres convictions, et être fort de croire à la réalité d’une idée. S’attendrir de ses joies et sourire de ses pleurs, dans la disgrâce d’une épreuve ou l’amertume du désarroi. Bannir de son regard, l’insipide tableau d’un monde sans couleurs et s’abandonner à rêver à d’inintelligibles éclats. Illuminer de son ombre la marche innocente que l’amour nous divulgue dans le retranchement de nos sens.

Contemplez cet envoûtement qui façonnent l’existence et l’habille d’étoffes fabuleuses. Contemplez ce moment où la solitude est riche d’une unité partagée, sans maigreur, sans entaille. Contemplez l’impalpable orchestre de cette conscience qui s’écoule dans le souffle d’un silence. Contemplez cette verve qui frémit à l’odeur de nos lèvres. Contemplez cet endroit fantastique, dans les plis d’un espace que le temps accomplit. Car je suis amoureux et l’amour écrivain, dans son œuvre philanthrope, m’a offert ces mots, ornements d’un diadème sur le front de la vie.
 
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