A ceux qui savent ne pas savoir...

vendredi 26 septembre 2008

En passant...


Un endroit pour des mots
Des souvenirs et des choses
Qui nous courent sur la peau
Tels des habits de prose.

Un endroit de finesse,
dans la rue nonchalante,
qui déguise sa richesse
et courtise nos attentes.

Un endroit où le temps,
chargé d'histoires ineffables,
infuse dans l'air frémissant,
ses rides charnues et incroyables.

Un endroit oublié
Un endroit dépassé,
Qui de sa vie sédentaire,
Nous laisse d’honorables matières.

Bruxelles


Triomphe retournant d’une ville boomerang dont le premier coup nous laisse abandonné et le second accompagné. Enthousiasme fantastique dans lequel d’insoupçonnables hasards plongent allègrement. J’ai visité, je suis parti, sans penser à revenir. J’y retourne, je partirai, en pensant à revenir. Quelle nage sinueuse que celle de la vie ! Un flamboyant mouchoir enchanté sur le chapeau de notre cœur, et tout d’un coup, la magie de l’imprévu nous exhibe ses plus belles merveilles. Et nous avançons ainsi, dans l’esbroufe de la magie. D’apparitions oniriques aux envoûtements de l’esprit, nous sommes les spectateurs de notre vie.
Bruxelles est devant moi, et je suis sur son dos. La carotte devant mon nez, je suis le lapin magique sorti de mon propre chapeau. Une prestidigitatrice a chanté son abracadabra. La baguette enchanteresse au bout de sa main, elle a fait valser sa cape de velours et m’a pincé les oreilles pour me soulever à ses lèvres. Nul doute que je sois devenu trop gros pour disparaître à nouveau. Nul doute qu’il n’y ait plus de chapeau assez corpulent pour avaler ce prestige audacieux et fabuleux. Ma prestidigitatrice m’a adopté, et je suis son lapin adoré. Bruxelles nous attend, des chocolats plein les rues, des bonbons plein les routes. Et plutôt nonante fois qu’ « une fois » !

vendredi 5 septembre 2008

Il est l'heure...


Il est l’heure du jour blanc, boiteux et assoiffé, qui assomme de routine une beauté ignorée. Il est l’heure de la terre oubliée et des cieux délavés dont se parent nos yeux, sourds et muets. Il est l’heure où nos humeurs se déglinguent et nos habitudes s’assoient dans une lourde parade sur le ventre flasque de la vie. Il est l’heure de l’abandon, imperceptible et vicieux, de l’extravagante volonté de poser le pied en dehors de nos pas. Il est l’heure, creuse et abjecte, où ce qui est simple devient banal, ce qui est là, n’apparaît plus.

A cette heure, je jette mes mots sous l‘aiguille du temps. A cette heure, je romps l’équilibre stérile dans lequel j’étais. Puis je donne à mes sens l’angle incertain d’un regard crevant le sein de ce jour malade. Il est l’heure, mais le temps s’assoupit…

lundi 10 mars 2008

Le marchand de sable



Il était une fois, dans un lointain pays d’Afrique, une petite femme aux yeux immenses qui vivait près d’un somptueux désert. Le charme et la chaleur de ce désert sans mesure lui procurait satisfaction. Elle aimait regarder le vent donner vie à cette impassible grandeur dépeuplée. Chaque jour, elle passait quelques heures à observer les dunes rouler sous le ciel d’un bleu lourd. Elle y voyait un océan calme et lent, une mer jaune et sédentaire dont le vent sculpte ses marées.

Dans le village qui se trouvait près de sa hutte, on disait qu’elle était un peu dérangée. Ses grands yeux impressionnaient les gens. Ils n’avaient jamais vu d’aussi grands yeux, aussi noirs, aussi profonds. Les enfants n’avaient pas le droit d’aller lui parler de peur que leur âme ne soit emprisonnée dans son regard mystérieux.

Pourtant la petite femme n’avait rien de méchant. Ce qu’elle aimait, c’était vivre bien, vivre et se sentir vivre. Mais les gens du village ne la comprenaient pas. Ils lui reprochaient de ne rien faire d’utile, de ne pas participer à la vie commune. La petite femme était persuadée qu’elle n’était pas obligée de faire quelque chose d’utile pour être reconnue, mais cela ne marchait pas comme ça dans ce pays. Alors elle vivait seule, dans sa hutte près du désert. Et les jours passaient sans qu’elle ne change d’avis, elle regardait la houle du désert grignoter le temps, elle vivait ainsi, de rien, de tout. Jamais elle ne faisait la moindre chose que le village reconnaissait d’utile. C’était sa passion à elle, l’inutile. Elle trouvait cela plus majestueux de se nourrir d’inutile et vivre de beauté plutôt que de saisir l’utile et vivre de réalité. L’élégance de l’inutile la fascinait. Une chose inutile ne valait pas d’argent, mais pour elle, elle avait plus de valeur, car elle n’avait pas de nom, elle n’avait pas de fonction, elle était vierge de toute idée humaine, elle était vivante au-delà de la vision humaine. L’inutile lui donnait la possibilité de voir. Oui de voir. Car c’est ça que l’inutile permet. Lorsqu’elle regardait une tasse, elle ne voyait pas, elle savait simplement. Elle savait que la tasse servait à boire. Mais elle ne voyait pas la tasse elle-même, sa nature intrinsèque. Alors plutôt que de se tromper à regarder l’utile, elle regardait l’inutile, et s’en abreuvait aussi longtemps qu’elle le pouvait de ses grands yeux noirs. Et le désert se gonflait nonchalamment de vagues de sable devant ce regard émerveillé.

Un jour, un jeune homme du village eut envie d’aller voir cette petite femme près du désert. Il savait que c’était interdit, mais il avait besoin de savoir pourquoi. Alors il décida de s’y rendre simplement. Lorsqu’il arriva près de la hutte il se cacha derrière un petit tas de sable et observa la petite femme toute l’après-midi. Mais rien d’extraordinaire ni de bizarre se passa. Il repartit le soir, déçu de ne pas avoir compris pourquoi on ne devait pas parler à la petite femme. Le lendemain il décida de retourner observer la petite femme. Il se cacha de nouveau derrière un petit tas de sable et la regarda vivre sereinement. Il essayait de voir quelque chose d’étrange, quand à la tombée du jour, il eut l’impression que les yeux de la petite femme devenaient de plus en plus grands. Elle avançait vers lui. Elle lui tendait la main, et elle le regardait de son regard noir et profond. Le jeune homme n’osa plus bouger. Mais elle avançait toujours jusqu'à ce qu’elle s’arrête et lui dise : « Aujourd’hui tu as regardé le désert. Tu ne m’as pas regardé. Mes yeux sont grands car ils voient le désert. Demain tes yeux seront plus beaux » et elle se retourna et s’en alla vers sa hutte. Surpris, le jeune homme repartit en courant au village. Mais il ne raconta pas son aventure.

Le lendemain il avait oublié ce que lui avait dit la petite femme. Mais lorsqu’il se pencha dans l’eau de la fontaine pour se désaltérer, il vit ses yeux. Ils étaient différents, leur éclat était plus vif, ils étaient tout imprégnés d’une lueur gourmande de vie. Ses yeux étaient devenus plus sombres et plus brillants à la fois. Ils avaient la malice d’un regard vigoureux et enjoué.
Il retourna le jour même observer la petite femme afin de voir si c’était vraiment elle qui avait provoqué ce changement dans ses yeux. De la même façon que la fois dernière, elle passa son après-midi à regarder le désert et le jeune homme l’observa toute l’après-midi, caché derrière son tas de sable. A la tombée du soir, il vit de nouveau les yeux de la petite femme grandir. Elle s’avança et lui dit : «Aujourd’hui tu ne m’as pas regardé. Tu as regardé le désert. Mais tes yeux ont grandi. Ce soir les étoiles seront belles. Regarde-les. Demain je ne serai plus là» et elle se retourna et s’en alla dans sa hutte.

En revenant à son village le jeune homme regarda le ciel que la nuit peignait de sa main bleutée. Les étoiles étaient belles et brillantes. Mais il ne voyait rien de plus joli que d’habitude. Il alla donc se coucher et décida de revenir le lendemain.

La petite femme n’était plus là. Il eut beau revenir tous les jours, la hutte était désormais déserte. Dans le village personne ne se soucia de la disparition de la petite femme. Le jeune homme était perturbé. La petite femme l’avait intrigué et ses yeux étaient devenus plus grands comme elle l’avait prédit. Cependant les années passèrent et le jeune homme devint un bel homme. Il avait depuis longtemps oublié l’histoire de cette petite femme lorsqu’un jour, en allant vendre sa récolte au village voisin, il vit dans le désert la petite femme debout en train de contempler l’étendue qui s’offrait à elle. Ses yeux qui étaient pourtant devenus de grands bijoux noirs et brillants ne purent s’empêcher d’être surpris. Hésitant, il se dirigea vers la petite femme.

Lorsqu’il arriva près d’elle dans son dos, il s’arrêta, et lui dit doucement : « Pourquoi êtes-vous partie ? ». La petite femme ne répondit pas mais se contenta de tourner la tête et de plonger ses yeux dans les siens. Un abîme infini de mystère et de splendeur nouait ces deux regards. Le jeune homme remarqua que la petite femme était superbe. Il ne pouvait détacher ses yeux de l’emprise irrationnelle qui émanait de ce visage doux et profond. Le calme de la somptuosité s’échappait dans le temps, laissant à leur contemplation les moments fragiles et uniques d’un attachement naissant. La petite femme lui dit alors « Quand je regarde le désert, je vois dans chaque grain de sable l’âme des étoiles endormies dans le jour. Tu n’avais pas d’assez grands yeux. Il fallait que je parte. ». Puis elle se leva et s’en alla calmement dans les dunes, en laissant dans ses pas la trace d’une femme qui rêvait des étoiles.

De retour à son village, le jeune homme était enchanté et absent. Il n’arrivait pas à se détacher de cette petite femme qui l’avait regardé si intensément. Elle était si différente des autres femmes, elle était là parce qu’elle rêvait, elle vivait là parce qu’elle voyait le fantastique. Elle l’avait regardé lui, et l’avait enveloppé de toute la beauté de son visage. Il n’avait jamais senti telle sensation. Pour la première fois une femme l’avait regardé dans tout son être. Ce regard échangé n’avait pas été qu’une simple contemplation, il avait compris que leurs yeux avaient bu chacun la saveur de leurs émotions. Et cela lui plaisait de boire dans ce regard la vie d’une femme aux rêves enivrants.

Le lendemain, il décida de lui apporter un cadeau pour lui témoigner son affection. Lorsqu’il la trouva de nouveau dans les dunes, il lui tendit avec un sourire le peigne en ébène qu’il avait acheté au village. Mais elle le refusa et dit : « Ce cadeau n’est pas à toi. Ce cadeau existait déjà. Je ne le vois pas. Je le connais déjà. » Et elle partit.

Le jeune homme étonné, chercha une idée qui pourrait plaire d’avantage à la petite femme. Il avait compris que ce qu’elle voulait. C’était quelque chose d’extraordinaire, quelque chose qu’on n’avait jamais offert. Il revint donc le lendemain avec une magnifique tunique tressée de fils d’or et d’argent. Mais la petite femme, dans un sourire, lui redit la même chose et la refusa.
Il s’en fut ainsi pendant bien longtemps, chaque jour la petite femme refusait le cadeau du jeune homme. Des mois entiers passèrent. Une nuit, alors que le jeune homme venait la retrouver dans les dunes, la petite femme dit au jeune homme : « J’aurais aimé que les étoiles parcourent le monde. Qu’elles vivent dans mes pas. Il ne me reste peu de temps à vivre. Je vais t’aider. Voilà le cadeau que moi je te fais. Je t’aimerai la nuit… N’oublie pas. » Elle luit tendit une poigné de sable et l’embrassa sous le ciel endormi d’une nuit étoilée. Puis elle disparut à jamais dans la douce obscurité de l’air.

Il ne restait plus qu’à cet homme amoureux l’immensité du désert. L’amour qu’il avait voulu s’en était allé quelque part dans le ciel au milieu des étoiles. Il n’avait pas su l’aimer comme elle le voulait. Il n’avait pas vu comme elle espérait. Ses grands yeux noirs n’avaient pas vu dans le sable l’âme des étoiles endormies qu’elle chérissait tant. Il parcourut le désert pendant des années à sa recherche. Chaque jour il traversait le sable et les étendues arides de son pays. Chaque jour son amour grandissait. Chaque jour ses yeux se souvenaient de ce qu’avait dit la petite femme. La nuit, les étoiles immobiles dans le ciel brillaient dans son regard. Il repensait à ce visage qu’il aimait. Et le sable le caressait dans le vent souple du matin. Il commençait enfin à voir comme elle aimait. Il voyait que l’immuable multitude des étoiles s’endormait le matin dans ce désert de sable. Il voyait que l’âme d’une étoile ne se cachait pas dans le ciel mais sous ses pieds dans une chose aussi minuscule qu’un grain de sable. Il en était ainsi, le ciel de la nuit et sa pluie d’étoiles retombait au matin sur le sable du désert, dans le creux des dunes, au milieu des hommes et de la terre.

Son amour était là, dans le ciel et le désert. La nuit il l’aimait, le jour il la voyait. Il avait enfin saisi le sens de sa vie, le sens que cette petite femme avait voulu lui offrir, une vie de rêves loin du pragmatisme des villages, loin du sens commun des choses et de leurs vérités fabriquées.
On raconte que depuis ce jour l’amour de cet homme ne cessa de grandir vers les cieux. Et dans le sable du désert naquit le rêve céleste d’un amour humain dont la mélodie dévoile la beauté du monde. Il marchait dans le désert, et dans l’espoir de réaliser le dernier vœu de la petite femme, il vendait aux voyageurs quelques poignées de sable pour que les étoiles attachées au firmament de la nuit parcourent le monde dans la main d’un homme rêveur.

mardi 26 février 2008

Invraisemblable...


J’ai toujours goûté à l’improbable saveur de la vie. J’ai goûté, j’ai savouré et me suis nourri dans la complaisance d’une chanson débordante de vivacité. Je n’ai jamais su deviner, je n’ai jamais su l’imaginer. La vie est invraisemblable. Son éclat se déguise et parcourt notre existence sur la pointe des pieds, laissant parfois dans son sautillement la surprise d’un chatoiement inattendu.
Dans la lueur la plus insignifiante, alors que nous croyons deviner notre ombre grandir avec le soir, l’éblouissement farfelu d’une petite goutte de hasard retentit sur notre vie comme un caillou trouble l’étendue d’une eau calme. L’invraisemblable est là, face à nous, sur le point de donner à notre vie un nouvel élan. Parfois, c’est un tourbillon, parfois, une vaguelette, mais son essence se répand aussi loin que nous voyons.
L’invraisemblable générosité de la vie pioche en nous ce que nous attendons le moins. Nous lui offrons son originalité, elle nous recouvre de son abondante diversité. L’amour est là, quelque part, dans le soubresaut d’un rayon fantasque que nous n’aurions pas prévu. Il faut vivre libre, il faut vivre légèrement, afin que la vie nous porte au grès de l’improbable bonheur qui effleure déjà nos émotions. Et quand le picotement de la vie donnera au hasard l’inclination de l’amour, alors, l’invraisemblable fleurira de nos sensations et nous suivrons à nouveau l’arôme de notre véhémence.

vendredi 8 février 2008

De l'extraordinaire


Croire le faux c’est réserver à l’extraordinaire la possibilité de venir nous chatouiller les doigts de pieds. L'extraordinaire ne peut apparaître dans une vérité omniprésente. Et croire le vrai c’est laisser le quotidien prendre l’air routinier d’une lente mélodie. Croire, ce n’est pas savoir, c’est vouloir. La volonté est sans doute notre plus bel habit. Car qu’y a-t-il qui puisse nous empêcher de vouloir ? Croire ce qui parait invraisemblable, imaginaire, enfantin, fou ; au fond, c’est se donner la possibilité de savoir et de vouloir à la fois. Car nous savons bien. Nous savons bien que certaines choses sont fausses. Mais savoir n’est pas suffisant pour vivre bien. IL faut croire, et donc vouloir. Finalement ce qu’il faut réussir à faire, c’est savoir, puis vouloir, puis croire et finalement ne plus savoir. Savoir ne pas savoir, c’est le début de la croyance, c’est le début de l’extraordinaire, c’est le début de la vie que l’on désire.

lundi 4 février 2008

Reflet


Sous l’âme claire d’un reflet, se cache une essence mystérieuse à laquelle nous offrons la prunelle de nos yeux. Chacun y ajoute une histoire d’homme ou de femme. Chacun y consacre un peu de sa force. Le reflet n’est que ce que nous lui laissons dans l’onde de sa légèreté. Il s’agit d’entrain. Il s’agit d’imagination. Le reflet ne reflète pas ce qui est mais ce que nous voulons voir. Le reflet est à la volonté ce que l’eau est à la vie. Le reflet que nous prenons, nous devons l’épuiser, nous devons l’éreinter. Nous lui révélons nos desseins pour qu’il nous accorde le baume substantiel de la contemplation.
Innocente celle qui y trouvera une forme réelle. Innocent celui qui y devinera le substitut de la réalité. Le reflet est une incohérence naturelle, il ne devient consistant et compréhensible que dans le regard déterminé de notre constance humaine. Le reflet n’imite pas. Le reflet n’est pas, il devient. Il devient l’allégorie de la fantaisie humaine et s’abandonne dans le foisonnement de la nature à la fragrance de notre extravagance.

vendredi 25 janvier 2008

Nature


Sans une once de maigreur, loin de l’âge du temps, mère nature porte en son sein l’irréalité humaine. Son éclat nous rend sourd, son indifférence nous émeut. Absurde élégance que nous essayons de peindre dans nos yeux. S’exalter de son essence, entendre sa beauté. Fascination de l’inhumain par l’humain. Notre vie se mêle à la sienne. Sans cesse. Porter son regard, le soutenir et partir. Là où nous avons vu, là où nous avons cru, là où nous avons bu notre rêverie, tout n’est que mémoire. La nature nous donne ses illusions et garde nos espérances. Impassible majesté que le temps roule sur la peau de nos sentiments. Je n’ai que ce souvenir, que je couche dans ces mots, un souvenir bouillonnant, qui murmure dans le temps, le plaisir d’un moment.

samedi 19 janvier 2008

Monsieur Louis est silencieux


Monsieur Louis est silencieux. Il ne parle presque jamais car il trouve que les mots sonnent faux. D’ailleurs il ne comprend pas pourquoi les gens parlent ou écrivent, car tout ce qu’il y a dans le cœur est ineffable. Alors que dire à part ce qu’on a sur le cœur ? Y a-t-il plus vivant que le cœur ? Y a-t-il plus véritable ?

C’est peut être une sorte d’économie ou de minimalisme, mais Monsieur Louis trouve qu’il est préférable d’en dire moins que trop. Les mots peuvent plaire mais c’est autre chose, c’est comme la peinture ou la musique, c’est un art, un média imparfait. Ils ne servent pas à parler, ils servent à peindre ou à chanter. Les mots ne peuvent parler pour nous.

Souvent, quand il voit des gens, on lui demande s’il va bien, ou s’il n’est pas triste, parce que les gens ne sont pas habitués au silence. Mais Monsieur Louis est heureux, et sans doute encore plus heureux que ceux qui parlent, car tout ce qu’il sent, il ne le dit pas, il le vit, le revit, et l’étale dans tout son corps.

Quand on connaît un peu le silence et que l’on voit Monsieur Louis, on sent quelque chose qui grandit dans notre ventre, on comprend tout sans savoir de quoi il s’agit. Et plus les secondes passent, plus le regard qu’il nous porte semble ancré au fond de nous. Le silence nous apporte la sérénité, et le temps s’allonge pour nous laisser goûter à cette présence.

Regarder monsieur louis, au fond c’est se regarder aussi. Lorsque ses yeux se plissent, lorsque son souffle chante, lorsque ses lèvres sourient, tout ce que nous sentons vient de nous. Monsieur Louis provoque la sensation. Notre sensation. Et c’est cela qu’il protège. Quelle déception lorsqu’un mot vient rompre cette élégante harmonie et qu’à cette simplicité envoûtante s’ajoute de la dentelle inutile. Le silence de Monsieur Louis est plein de vigueur. Il est parfait car il se suffit. Il est pur. Il est vaste. Et il est riche. Riche de sa vie, riche de son corps, riche de ses croyances. Car Monsieur Louis a un secret. Monsieur Louis est amoureux.

vendredi 18 janvier 2008

Gris


La vie est faite de contrastes, de noir et de blanc. Le noir renforce le blanc. Le noir rend le blanc encore plus merveilleux. Mais ne voir que le blanc et le noir, c’est absurde. Ce serait goûter le sommet d’une montagne sans prendre le temps de la gravir et redescendre instantanément. La vie est souvent quelque part entre le noir et le blanc. Il ne faut pas occulter ce qui les sépare. La vie est faite de contrastes, mais elle est surtout faite de gris. A la différence du blanc, le gris est imparfait. A la différence du noir, il est incomplet. Mais le gris est à la vie ce que le sang est à notre corps. Seul il n’est rien, sans lui, nous ne sommes rien. Le gris est supérieur au noir et au blanc. Car son imperfection est durable. Car son incomplétude est infinie. Savoir vivre, c’est savoir cela. C’est voir le gris dans le noir et le blanc tous deux mélangés. C’est tirer de l’expérience du blanc et du noir, la couleur de notre vie. Vivre c’est long. Le noir et le blanc n’y sont qu’anecdotiques. On pourrait haïr le noir, on pourrait adorer le blanc. Mais que serait une vie découpée et sans consistance ? Attendre le blanc, éviter le noir, est-ce cela vivre ? Avoir la force de vivre, c’est peindre le gris dans nos cœurs grâce au blanc et au noir. Le gris n’est pas faible. Le gris n’est pas fade. Le gris n’est pas triste. Il est incomplet, imparfait, mais il donne à la vie son attrait humain. Et finalement, le gris est plus beau que le blanc. Et finalement, le gris rend le noir insignifiant. Car nous sommes vivants.
 
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