A dada sur la lune

A ceux qui savent ne pas savoir...

vendredi 4 septembre 2009

La trouvaille de l'orteil


Patiner. Un regard à mes pieds et mon grand orteil, sous ma chaussure en plastique, fend l’air froid, tel un marin à la proue de sa caravelle. Hissez haut moussaillons, je veux que la glace s’indigne sous ma lame et que l’écume fulmine sur mes dents. Vite. J’ai 64 ans. 64 ans que mon orteil se pavane sur la glace en pionnier valeureux, 64 ans qu’il s’imagine encore berner quelqu’un. Virage à droite. Et hop à l’abordage ! Sous les gerbes de quelques grains de glace, mon orteil surpasse un confrère. Sans tromper, il a pourtant réussi encore une fois à captiver mon imagination. Je le sens trancher le sol, les poils dans le vent, et réussir à gagner l’élégance du fameux goéland. J’ai 64 ans et parfois je ne crois pas être ce que mon âge supposerait.

Gagner la course, et perdre ses idées. Un peu de fantaisie pour du fantastique. C’est tout l’équilibre de ma vie. Un orteil contre tout. Un orteil pour du beurre. Les doigts dans le nez et les cheveux au vent. Un pied de nez aux modalités rituelles d’une vie de retraité. J’ai 64 ans et mon cœur s’embobine dans les mailles d’un conte pour enfant. Irrésistible envie de percer les mystères d’un engouement bien trop candide pour mon âge.

« Tâche de te comporter comme un adulte, tâche d’être plus raisonnable », quels sont donc ces sottises que l’on sort quand on prend de l’âge ? 64 ans que je vieillis, 64 ans que l’immaculée raison ne m’a pas soulagé. Allez convaincre par A+B un déprimé que la vie est douce. Devenir adulte, c’est un concept social, mais le corps, lui, se fiche bien des principes qu’on lui soumet. Nous ne sommes que des enfants, tout le long de notre vie, et plus on vieillit, plus on apprend à l’être volontairement.

La seule chose qui change, ce sont les patins à glace. Le social. Un patin à glace pour un petit bébé, un patin à glace pour un vieux monsieur. Mais l’orteil, lui, reste toujours à sa place, au bout de notre pied, au devant des aventures. Raisonnez et l’orteil n’est que sous votre chaussette. Imaginez, et la chaine de conséquences qui en suit, éveillera bien plus de souvenirs, de pensées ou de réflexions que la raison. Finie la patinoire stérile, finie la ville morose, un orteil prend les devants. 64 ans que je grandis, et ce que j’ai appris, c’est que grandir, c’est savoir être enfant.

Et mon orteil partira aux cieux.

mardi 3 février 2009

Prestige innocent d'une heure amoureuse


Donner au temps l’inutile moment de se perdre. Gagner dans l’onde des heures, la fugacité d’une seconde. Epandre des mots que rien ne peut tarir, ni dans les jours d’une nuit, ni dans les heures d’un instant. Discerner de la mélancolie, les saveurs subtiles de joies délaissées. Attiser son esprit de brindilles d’allégresse, et y brûler les tourments qui nous blessent. Mettre au monde l’euphorie qui nous lie, dans ce néant de la vie que chacun envahit. Chausser le rôle du magicien, qui de rien, fait le tout et du tout, la magie. S’exclamer de sa propre destinée et en boire le nectar de ses fruits. Battre son cœur de ses propres convictions, et être fort de croire à la réalité d’une idée. S’attendrir de ses joies et sourire de ses pleurs, dans la disgrâce d’une épreuve ou l’amertume du désarroi. Bannir de son regard, l’insipide tableau d’un monde sans couleurs et s’abandonner à rêver à d’inintelligibles éclats. Illuminer de son ombre la marche innocente que l’amour nous divulgue dans le retranchement de nos sens.

Contemplez cet envoûtement qui façonnent l’existence et l’habille d’étoffes fabuleuses. Contemplez ce moment où la solitude est riche d’une unité partagée, sans maigreur, sans entaille. Contemplez l’impalpable orchestre de cette conscience qui s’écoule dans le souffle d’un silence. Contemplez cette verve qui frémit à l’odeur de nos lèvres. Contemplez cet endroit fantastique, dans les plis d’un espace que le temps accomplit. Car je suis amoureux et l’amour écrivain, dans son œuvre philanthrope, m’a offert ces mots, ornements d’un diadème sur le front de la vie.

vendredi 26 septembre 2008

En passant...


Un endroit pour des mots
Des souvenirs et des choses
Qui nous courent sur la peau
Tels des habits de prose.

Un endroit de finesse,
dans la rue nonchalante,
qui déguise sa richesse
et courtise nos attentes.

Un endroit où le temps,
chargé d'histoires ineffables,
infuse dans l'air frémissant,
ses rides charnues et incroyables.

Un endroit oublié
Un endroit dépassé,
Qui de sa vie sédentaire,
Nous laisse d’honorables matières.

Bruxelles


Triomphe retournant d’une ville boomerang dont le premier coup nous laisse abandonné et le second accompagné. Enthousiasme fantastique dans lequel d’insoupçonnables hasards plongent allègrement. J’ai visité, je suis parti, sans penser à revenir. J’y retourne, je partirai, en pensant à revenir. Quelle nage sinueuse que celle de la vie ! Un flamboyant mouchoir enchanté sur le chapeau de notre cœur, et tout d’un coup, la magie de l’imprévu nous exhibe ses plus belles merveilles. Et nous avançons ainsi, dans l’esbroufe de la magie. D’apparitions oniriques aux envoûtements de l’esprit, nous sommes les spectateurs de notre vie.
Bruxelles est devant moi, et je suis sur son dos. La carotte devant mon nez, je suis le lapin magique sorti de mon propre chapeau. Une prestidigitatrice a chanté son abracadabra. La baguette enchanteresse au bout de sa main, elle a fait valser sa cape de velours et m’a pincé les oreilles pour me soulever à ses lèvres. Nul doute que je sois devenu trop gros pour disparaître à nouveau. Nul doute qu’il n’y ait plus de chapeau assez corpulent pour avaler ce prestige audacieux et fabuleux. Ma prestidigitatrice m’a adopté, et je suis son lapin adoré. Bruxelles nous attend, des chocolats plein les rues, des bonbons plein les routes. Et plutôt nonante fois qu’ « une fois » !

vendredi 5 septembre 2008

Il est l'heure...


Il est l’heure du jour blanc, boiteux et assoiffé, qui assomme de routine une beauté ignorée. Il est l’heure de la terre oubliée et des cieux délavés dont se parent nos yeux, sourds et muets. Il est l’heure où nos humeurs se déglinguent et nos habitudes s’assoient dans une lourde parade sur le ventre flasque de la vie. Il est l’heure de l’abandon, imperceptible et vicieux, de l’extravagante volonté de poser le pied en dehors de nos pas. Il est l’heure, creuse et abjecte, où ce qui est simple devient banal, ce qui est là, n’apparaît plus.

A cette heure, je jette mes mots sous l‘aiguille du temps. A cette heure, je romps l’équilibre stérile dans lequel j’étais. Puis je donne à mes sens l’angle incertain d’un regard crevant le sein de ce jour malade. Il est l’heure, mais le temps s’assoupit…

lundi 10 mars 2008

Le marchand de sable



Il était une fois, dans un lointain pays d’Afrique, une petite femme aux yeux immenses qui vivait près d’un somptueux désert. Le charme et la chaleur de ce désert sans mesure lui procurait satisfaction. Elle aimait regarder le vent donner vie à cette impassible grandeur dépeuplée. Chaque jour, elle passait quelques heures à observer les dunes rouler sous le ciel d’un bleu lourd. Elle y voyait un océan calme et lent, une mer jaune et sédentaire dont le vent sculpte ses marées.

Dans le village qui se trouvait près de sa hutte, on disait qu’elle était un peu dérangée. Ses grands yeux impressionnaient les gens. Ils n’avaient jamais vu d’aussi grands yeux, aussi noirs, aussi profonds. Les enfants n’avaient pas le droit d’aller lui parler de peur que leur âme ne soit emprisonnée dans son regard mystérieux.

Pourtant la petite femme n’avait rien de méchant. Ce qu’elle aimait, c’était vivre bien, vivre et se sentir vivre. Mais les gens du village ne la comprenaient pas. Ils lui reprochaient de ne rien faire d’utile, de ne pas participer à la vie commune. La petite femme était persuadée qu’elle n’était pas obligée de faire quelque chose d’utile pour être reconnue, mais cela ne marchait pas comme ça dans ce pays. Alors elle vivait seule, dans sa hutte près du désert. Et les jours passaient sans qu’elle ne change d’avis, elle regardait la houle du désert grignoter le temps, elle vivait ainsi, de rien, de tout. Jamais elle ne faisait la moindre chose que le village reconnaissait d’utile. C’était sa passion à elle, l’inutile. Elle trouvait cela plus majestueux de se nourrir d’inutile et vivre de beauté plutôt que de saisir l’utile et vivre de réalité. L’élégance de l’inutile la fascinait. Une chose inutile ne valait pas d’argent, mais pour elle, elle avait plus de valeur, car elle n’avait pas de nom, elle n’avait pas de fonction, elle était vierge de toute idée humaine, elle était vivante au-delà de la vision humaine. L’inutile lui donnait la possibilité de voir. Oui de voir. Car c’est ça que l’inutile permet. Lorsqu’elle regardait une tasse, elle ne voyait pas, elle savait simplement. Elle savait que la tasse servait à boire. Mais elle ne voyait pas la tasse elle-même, sa nature intrinsèque. Alors plutôt que de se tromper à regarder l’utile, elle regardait l’inutile, et s’en abreuvait aussi longtemps qu’elle le pouvait de ses grands yeux noirs. Et le désert se gonflait nonchalamment de vagues de sable devant ce regard émerveillé.

Un jour, un jeune homme du village eut envie d’aller voir cette petite femme près du désert. Il savait que c’était interdit, mais il avait besoin de savoir pourquoi. Alors il décida de s’y rendre simplement. Lorsqu’il arriva près de la hutte il se cacha derrière un petit tas de sable et observa la petite femme toute l’après-midi. Mais rien d’extraordinaire ni de bizarre se passa. Il repartit le soir, déçu de ne pas avoir compris pourquoi on ne devait pas parler à la petite femme. Le lendemain il décida de retourner observer la petite femme. Il se cacha de nouveau derrière un petit tas de sable et la regarda vivre sereinement. Il essayait de voir quelque chose d’étrange, quand à la tombée du jour, il eut l’impression que les yeux de la petite femme devenaient de plus en plus grands. Elle avançait vers lui. Elle lui tendait la main, et elle le regardait de son regard noir et profond. Le jeune homme n’osa plus bouger. Mais elle avançait toujours jusqu'à ce qu’elle s’arrête et lui dise : « Aujourd’hui tu as regardé le désert. Tu ne m’as pas regardé. Mes yeux sont grands car ils voient le désert. Demain tes yeux seront plus beaux » et elle se retourna et s’en alla vers sa hutte. Surpris, le jeune homme repartit en courant au village. Mais il ne raconta pas son aventure.

Le lendemain il avait oublié ce que lui avait dit la petite femme. Mais lorsqu’il se pencha dans l’eau de la fontaine pour se désaltérer, il vit ses yeux. Ils étaient différents, leur éclat était plus vif, ils étaient tout imprégnés d’une lueur gourmande de vie. Ses yeux étaient devenus plus sombres et plus brillants à la fois. Ils avaient la malice d’un regard vigoureux et enjoué.
Il retourna le jour même observer la petite femme afin de voir si c’était vraiment elle qui avait provoqué ce changement dans ses yeux. De la même façon que la fois dernière, elle passa son après-midi à regarder le désert et le jeune homme l’observa toute l’après-midi, caché derrière son tas de sable. A la tombée du soir, il vit de nouveau les yeux de la petite femme grandir. Elle s’avança et lui dit : «Aujourd’hui tu ne m’as pas regardé. Tu as regardé le désert. Mais tes yeux ont grandi. Ce soir les étoiles seront belles. Regarde-les. Demain je ne serai plus là» et elle se retourna et s’en alla dans sa hutte.

En revenant à son village le jeune homme regarda le ciel que la nuit peignait de sa main bleutée. Les étoiles étaient belles et brillantes. Mais il ne voyait rien de plus joli que d’habitude. Il alla donc se coucher et décida de revenir le lendemain.

La petite femme n’était plus là. Il eut beau revenir tous les jours, la hutte était désormais déserte. Dans le village personne ne se soucia de la disparition de la petite femme. Le jeune homme était perturbé. La petite femme l’avait intrigué et ses yeux étaient devenus plus grands comme elle l’avait prédit. Cependant les années passèrent et le jeune homme devint un bel homme. Il avait depuis longtemps oublié l’histoire de cette petite femme lorsqu’un jour, en allant vendre sa récolte au village voisin, il vit dans le désert la petite femme debout en train de contempler l’étendue qui s’offrait à elle. Ses yeux qui étaient pourtant devenus de grands bijoux noirs et brillants ne purent s’empêcher d’être surpris. Hésitant, il se dirigea vers la petite femme.

Lorsqu’il arriva près d’elle dans son dos, il s’arrêta, et lui dit doucement : « Pourquoi êtes-vous partie ? ». La petite femme ne répondit pas mais se contenta de tourner la tête et de plonger ses yeux dans les siens. Un abîme infini de mystère et de splendeur nouait ces deux regards. Le jeune homme remarqua que la petite femme était superbe. Il ne pouvait détacher ses yeux de l’emprise irrationnelle qui émanait de ce visage doux et profond. Le calme de la somptuosité s’échappait dans le temps, laissant à leur contemplation les moments fragiles et uniques d’un attachement naissant. La petite femme lui dit alors « Quand je regarde le désert, je vois dans chaque grain de sable l’âme des étoiles endormies dans le jour. Tu n’avais pas d’assez grands yeux. Il fallait que je parte. ». Puis elle se leva et s’en alla calmement dans les dunes, en laissant dans ses pas la trace d’une femme qui rêvait des étoiles.

De retour à son village, le jeune homme était enchanté et absent. Il n’arrivait pas à se détacher de cette petite femme qui l’avait regardé si intensément. Elle était si différente des autres femmes, elle était là parce qu’elle rêvait, elle vivait là parce qu’elle voyait le fantastique. Elle l’avait regardé lui, et l’avait enveloppé de toute la beauté de son visage. Il n’avait jamais senti telle sensation. Pour la première fois une femme l’avait regardé dans tout son être. Ce regard échangé n’avait pas été qu’une simple contemplation, il avait compris que leurs yeux avaient bu chacun la saveur de leurs émotions. Et cela lui plaisait de boire dans ce regard la vie d’une femme aux rêves enivrants.

Le lendemain, il décida de lui apporter un cadeau pour lui témoigner son affection. Lorsqu’il la trouva de nouveau dans les dunes, il lui tendit avec un sourire le peigne en ébène qu’il avait acheté au village. Mais elle le refusa et dit : « Ce cadeau n’est pas à toi. Ce cadeau existait déjà. Je ne le vois pas. Je le connais déjà. » Et elle partit.

Le jeune homme étonné, chercha une idée qui pourrait plaire d’avantage à la petite femme. Il avait compris que ce qu’elle voulait. C’était quelque chose d’extraordinaire, quelque chose qu’on n’avait jamais offert. Il revint donc le lendemain avec une magnifique tunique tressée de fils d’or et d’argent. Mais la petite femme, dans un sourire, lui redit la même chose et la refusa.
Il s’en fut ainsi pendant bien longtemps, chaque jour la petite femme refusait le cadeau du jeune homme. Des mois entiers passèrent. Une nuit, alors que le jeune homme venait la retrouver dans les dunes, la petite femme dit au jeune homme : « J’aurais aimé que les étoiles parcourent le monde. Qu’elles vivent dans mes pas. Il ne me reste peu de temps à vivre. Je vais t’aider. Voilà le cadeau que moi je te fais. Je t’aimerai la nuit… N’oublie pas. » Elle luit tendit une poigné de sable et l’embrassa sous le ciel endormi d’une nuit étoilée. Puis elle disparut à jamais dans la douce obscurité de l’air.

Il ne restait plus qu’à cet homme amoureux l’immensité du désert. L’amour qu’il avait voulu s’en était allé quelque part dans le ciel au milieu des étoiles. Il n’avait pas su l’aimer comme elle le voulait. Il n’avait pas vu comme elle espérait. Ses grands yeux noirs n’avaient pas vu dans le sable l’âme des étoiles endormies qu’elle chérissait tant. Il parcourut le désert pendant des années à sa recherche. Chaque jour il traversait le sable et les étendues arides de son pays. Chaque jour son amour grandissait. Chaque jour ses yeux se souvenaient de ce qu’avait dit la petite femme. La nuit, les étoiles immobiles dans le ciel brillaient dans son regard. Il repensait à ce visage qu’il aimait. Et le sable le caressait dans le vent souple du matin. Il commençait enfin à voir comme elle aimait. Il voyait que l’immuable multitude des étoiles s’endormait le matin dans ce désert de sable. Il voyait que l’âme d’une étoile ne se cachait pas dans le ciel mais sous ses pieds dans une chose aussi minuscule qu’un grain de sable. Il en était ainsi, le ciel de la nuit et sa pluie d’étoiles retombait au matin sur le sable du désert, dans le creux des dunes, au milieu des hommes et de la terre.

Son amour était là, dans le ciel et le désert. La nuit il l’aimait, le jour il la voyait. Il avait enfin saisi le sens de sa vie, le sens que cette petite femme avait voulu lui offrir, une vie de rêves loin du pragmatisme des villages, loin du sens commun des choses et de leurs vérités fabriquées.
On raconte que depuis ce jour l’amour de cet homme ne cessa de grandir vers les cieux. Et dans le sable du désert naquit le rêve céleste d’un amour humain dont la mélodie dévoile la beauté du monde. Il marchait dans le désert, et dans l’espoir de réaliser le dernier vœu de la petite femme, il vendait aux voyageurs quelques poignées de sable pour que les étoiles attachées au firmament de la nuit parcourent le monde dans la main d’un homme rêveur.

mardi 26 février 2008

Invraisemblable...


J’ai toujours goûté à l’improbable saveur de la vie. J’ai goûté, j’ai savouré et me suis nourri dans la complaisance d’une chanson débordante de vivacité. Je n’ai jamais su deviner, je n’ai jamais su l’imaginer. La vie est invraisemblable. Son éclat se déguise et parcourt notre existence sur la pointe des pieds, laissant parfois dans son sautillement la surprise d’un chatoiement inattendu.
Dans la lueur la plus insignifiante, alors que nous croyons deviner notre ombre grandir avec le soir, l’éblouissement farfelu d’une petite goutte de hasard retentit sur notre vie comme un caillou trouble l’étendue d’une eau calme. L’invraisemblable est là, face à nous, sur le point de donner à notre vie un nouvel élan. Parfois, c’est un tourbillon, parfois, une vaguelette, mais son essence se répand aussi loin que nous voyons.
L’invraisemblable générosité de la vie pioche en nous ce que nous attendons le moins. Nous lui offrons son originalité, elle nous recouvre de son abondante diversité. L’amour est là, quelque part, dans le soubresaut d’un rayon fantasque que nous n’aurions pas prévu. Il faut vivre libre, il faut vivre légèrement, afin que la vie nous porte au grès de l’improbable bonheur qui effleure déjà nos émotions. Et quand le picotement de la vie donnera au hasard l’inclination de l’amour, alors, l’invraisemblable fleurira de nos sensations et nous suivrons à nouveau l’arôme de notre véhémence.

vendredi 8 février 2008

De l'extraordinaire


Croire le faux c’est réserver à l’extraordinaire la possibilité de venir nous chatouiller les doigts de pieds. L'extraordinaire ne peut apparaître dans une vérité omniprésente. Et croire le vrai c’est laisser le quotidien prendre l’air routinier d’une lente mélodie. Croire, ce n’est pas savoir, c’est vouloir. La volonté est sans doute notre plus bel habit. Car qu’y a-t-il qui puisse nous empêcher de vouloir ? Croire ce qui parait invraisemblable, imaginaire, enfantin, fou ; au fond, c’est se donner la possibilité de savoir et de vouloir à la fois. Car nous savons bien. Nous savons bien que certaines choses sont fausses. Mais savoir n’est pas suffisant pour vivre bien. IL faut croire, et donc vouloir. Finalement ce qu’il faut réussir à faire, c’est savoir, puis vouloir, puis croire et finalement ne plus savoir. Savoir ne pas savoir, c’est le début de la croyance, c’est le début de l’extraordinaire, c’est le début de la vie que l’on désire.

lundi 4 février 2008

Reflet


Sous l’âme claire d’un reflet, se cache une essence mystérieuse à laquelle nous offrons la prunelle de nos yeux. Chacun y ajoute une histoire d’homme ou de femme. Chacun y consacre un peu de sa force. Le reflet n’est que ce que nous lui laissons dans l’onde de sa légèreté. Il s’agit d’entrain. Il s’agit d’imagination. Le reflet ne reflète pas ce qui est mais ce que nous voulons voir. Le reflet est à la volonté ce que l’eau est à la vie. Le reflet que nous prenons, nous devons l’épuiser, nous devons l’éreinter. Nous lui révélons nos desseins pour qu’il nous accorde le baume substantiel de la contemplation.
Innocente celle qui y trouvera une forme réelle. Innocent celui qui y devinera le substitut de la réalité. Le reflet est une incohérence naturelle, il ne devient consistant et compréhensible que dans le regard déterminé de notre constance humaine. Le reflet n’imite pas. Le reflet n’est pas, il devient. Il devient l’allégorie de la fantaisie humaine et s’abandonne dans le foisonnement de la nature à la fragrance de notre extravagance.

vendredi 25 janvier 2008

Nature


Sans une once de maigreur, loin de l’âge du temps, mère nature porte en son sein l’irréalité humaine. Son éclat nous rend sourd, son indifférence nous émeut. Absurde élégance que nous essayons de peindre dans nos yeux. S’exalter de son essence, entendre sa beauté. Fascination de l’inhumain par l’humain. Notre vie se mêle à la sienne. Sans cesse. Porter son regard, le soutenir et partir. Là où nous avons vu, là où nous avons cru, là où nous avons bu notre rêverie, tout n’est que mémoire. La nature nous donne ses illusions et garde nos espérances. Impassible majesté que le temps roule sur la peau de nos sentiments. Je n’ai que ce souvenir, que je couche dans ces mots, un souvenir bouillonnant, qui murmure dans le temps, le plaisir d’un moment.

samedi 19 janvier 2008

Monsieur Louis est silencieux


Monsieur Louis est silencieux. Il ne parle presque jamais car il trouve que les mots sonnent faux. D’ailleurs il ne comprend pas pourquoi les gens parlent ou écrivent, car tout ce qu’il y a dans le cœur est ineffable. Alors que dire à part ce qu’on a sur le cœur ? Y a-t-il plus vivant que le cœur ? Y a-t-il plus véritable ?

C’est peut être une sorte d’économie ou de minimalisme, mais Monsieur Louis trouve qu’il est préférable d’en dire moins que trop. Les mots peuvent plaire mais c’est autre chose, c’est comme la peinture ou la musique, c’est un art, un média imparfait. Ils ne servent pas à parler, ils servent à peindre ou à chanter. Les mots ne peuvent parler pour nous.

Souvent, quand il voit des gens, on lui demande s’il va bien, ou s’il n’est pas triste, parce que les gens ne sont pas habitués au silence. Mais Monsieur Louis est heureux, et sans doute encore plus heureux que ceux qui parlent, car tout ce qu’il sent, il ne le dit pas, il le vit, le revit, et l’étale dans tout son corps.

Quand on connaît un peu le silence et que l’on voit Monsieur Louis, on sent quelque chose qui grandit dans notre ventre, on comprend tout sans savoir de quoi il s’agit. Et plus les secondes passent, plus le regard qu’il nous porte semble ancré au fond de nous. Le silence nous apporte la sérénité, et le temps s’allonge pour nous laisser goûter à cette présence.

Regarder monsieur louis, au fond c’est se regarder aussi. Lorsque ses yeux se plissent, lorsque son souffle chante, lorsque ses lèvres sourient, tout ce que nous sentons vient de nous. Monsieur Louis provoque la sensation. Notre sensation. Et c’est cela qu’il protège. Quelle déception lorsqu’un mot vient rompre cette élégante harmonie et qu’à cette simplicité envoûtante s’ajoute de la dentelle inutile. Le silence de Monsieur Louis est plein de vigueur. Il est parfait car il se suffit. Il est pur. Il est vaste. Et il est riche. Riche de sa vie, riche de son corps, riche de ses croyances. Car Monsieur Louis a un secret. Monsieur Louis est amoureux.

vendredi 18 janvier 2008

Gris


La vie est faite de contrastes, de noir et de blanc. Le noir renforce le blanc. Le noir rend le blanc encore plus merveilleux. Mais ne voir que le blanc et le noir, c’est absurde. Ce serait goûter le sommet d’une montagne sans prendre le temps de la gravir et redescendre instantanément. La vie est souvent quelque part entre le noir et le blanc. Il ne faut pas occulter ce qui les sépare. La vie est faite de contrastes, mais elle est surtout faite de gris. A la différence du blanc, le gris est imparfait. A la différence du noir, il est incomplet. Mais le gris est à la vie ce que le sang est à notre corps. Seul il n’est rien, sans lui, nous ne sommes rien. Le gris est supérieur au noir et au blanc. Car son imperfection est durable. Car son incomplétude est infinie. Savoir vivre, c’est savoir cela. C’est voir le gris dans le noir et le blanc tous deux mélangés. C’est tirer de l’expérience du blanc et du noir, la couleur de notre vie. Vivre c’est long. Le noir et le blanc n’y sont qu’anecdotiques. On pourrait haïr le noir, on pourrait adorer le blanc. Mais que serait une vie découpée et sans consistance ? Attendre le blanc, éviter le noir, est-ce cela vivre ? Avoir la force de vivre, c’est peindre le gris dans nos cœurs grâce au blanc et au noir. Le gris n’est pas faible. Le gris n’est pas fade. Le gris n’est pas triste. Il est incomplet, imparfait, mais il donne à la vie son attrait humain. Et finalement, le gris est plus beau que le blanc. Et finalement, le gris rend le noir insignifiant. Car nous sommes vivants.

dimanche 23 décembre 2007

La musique vit


Quand la chanson à nos cœurs
Envie l’air de nos émotions,
Que sa mélodie et sa chaleur
Semblent s’unir à nos passions
Et pourtant à la fin se meurent,
Il faut entendre son admiration,
Il faut lui répondre sa grandeur
Qui se reflète dans la tentation
De lui offrir encore l’ardeur
D’une réciproque audition.

mercredi 28 novembre 2007

J'espère...

J’espère…

J’espère souvent
J’espère et je vis
J’espère au vent
J’espère et je ris
J’espère que ma vie
J’espère que mon sang
Sous la cape de ma joie
Sous la cape de ma foi
Iront dansant dans une main
Auront chantant au matin
Le bonheur d’être deux
La saveur d’être heureux.

J’espère…

J’espère toujours
J’espère et je vois
J’espère au jour
J’espère et je crois
Que nous nous ravirons
Que nous nous rattraperons
Que le corps de la terre
Que le sort de nos chairs
Donneront à nos cœurs
Sonneront à nos pleurs
L’histoire d’un hasard
L’histoire d’un endroit
Où aimer est un art
Où l’amour est courtois.

J’espère…

J’espère encore
J’espère et je veux
J’espère alors
J’espère et je peux
Aussi fort que toujours
Aussi bien que souvent
Aussi haut que le jour
Aussi loin que le vent
Partir tout là bas
Nourrir sous nos voix
Cet amour qui est là
Sous le rire de nos choix.

J’espère…

Et…

Il n’y a plus que toi.

mardi 20 novembre 2007

La ronde du citron


Je ne mange pas de citrons.
Je ne range pas de citrons.
Je ne rends pas de citrons.
Je ne prends pas de citrons.
Je ne prie pas de citrons.
Je n’épie pas de citrons.
Je n’épiais pas de citrons.
Je n’épouse pas de citrons.
Je n’éponge pas de citrons.
Je ne ponce pas de citrons.
Je ne pense pas de citrons.
Je ne penche pas de citrons.
Je ne pends pas de citrons.
Je ne mens pas de citrons.
Je ne mange pas de citrons.

samedi 6 octobre 2007

De la mélancolie


Je dénonce la mélancolie. Je dénonce celle-là même que les gens prennent pour inspiration. Je dénonce ceux qui cherchent les maux et chantent leur détresse sous un manteau de notes tragiques. Je dénonce le parti trop facile de chercher dans la terre la verve malheureuse. Je dénonce cette synergie entre l’art et les douleurs. Je dénonce ce mouvement de la plainte que les gens choisissent comme beauté. Je dénonce le noir et son air profond et revendicateur. Je dénonce ce premier mot complaisant dont l’ombre sourde donne à nos airs un semblant de gravité. Je dénonce ce gout bancal pour l’art et la musique dont les pas trainent sur un pavé froid et stérile. Je dénonce cette mélodie du malheur qui endort nos sens et efface nos sourires. Je dénonce le verbe faible et maussade qui anime la douleur obscure et intime du talent. Je dénonce ce fruit abject de la mélancolie qui murit en chacun de nous et engendre le drame écrasant d’une éloquence pessimiste et inquiétante. Je dénonce ces mots que je ne veux écrire qu’une seule fois tant leurs vertèbres sont fatiguées de ne pas pouvoir se dresser dans le jour clair de nos vies miraculeuses. Je dénonce et je veux, aussi vivement que j’y crois, exposer mes mots à l’étincelle malicieuse qui consume le noir et grandit nos ardeurs. Car je n’espère que dans l’or de la vie et je n’écrirai que dans la richesse de la joie.

jeudi 20 septembre 2007

J'ai regardé le ciel


J’ai regardé le ciel. J’ai levé la tête et mon cou. J’ai grandi mon corps et mes yeux. Je voulais m’étaler dans le vide. Je voulais goûter tout là bas. J’ai poussé sur mes pieds. J’ai tendu les orteils. Je voulais monter loin. Je voulais partir haut. J’ai levé tous mes doigts. J’ai soulevé tous mes cheveux. Je voulais l’attraper. Je voulais le connaître. J’ai ouvert mes deux bras. J’ai gonflé mes poumons. Je voulais le sentir. Je voulais tout revoir. Hier j’observais le sol, aujourd’hui je visite le ciel. Tout est là, rien n’est là. Les choses grandissent. Les formes coulissent. J’ai la tête renversée, le sourire au visage. Je le prends, je le serre. Et le ciel m’embrasse. Une seconde danse dans le saut d’une vie. J’ai regardé le ciel et j’en ai pris un petit bout. Je le garde dans ma bouche et l’avale en tombant. J’ai mangé mon bonheur, et je marche sur le sol. Le ciel m’a nourri, et je pars rassasié. Je vais connaître plus d’une vie. J’ai appris à sauter. Dans mon ventre j’ai un ciel, dans mes yeux des nuages. Je suis loin. Je suis là. Je souris et je ris. Et le sol n’est plus.

Savoir aimer, savoir souffrir


Un regard sans les mots, un regard douloureux, sous le poids de nos vies. A jamais il nous marque, à jamais il ne cesse de nous guider. Tant à lire que son souvenir nous obsède. C’est le fardeau de l’amour comme le radeau qui nous sauve. Les mots ne sont rien et s’oublient sous les vagues du temps, tandis que ce regard nous plie et nous retient dans cet accord déchirant. Et pourtant nous avançons, et pourtant nous croyons. Car nous étions ce regard, car nous sommes ce regard, car ce regard fut la première entaille à nos rêves et que nous ne cessons de cicatriser ni de rêver. Souffrir est la voie de l’Amour ; aimer, notre remède à la souffrance. C’est ainsi que nous aimerons, c’est ainsi que nous vivrons : nos souvenirs sous la peau, et notre cœur en avant, battant l’espoir d’un amour aveuglant.

mercredi 12 septembre 2007

L'ode au carambar


Dans ma bouche gourmande,
Ma langue avide de plaisir,
Heureuse et friande,
Mastique le fruit de mes désirs.

Je n’ai jamais arrêté,
Je n’ai jamais oublié,
Ce que mon enfance m’a donné,
Un carambar rigolo et sucré.

Ce n’est que lorsque on y goûte
Que les vertus du carambar
Enchantent et chouchoutent,
Nous noyant de son nectar.

Un carambar, et une envie
Enfantine et candide
S’éveille et fleurit
Dans notre corps intrépide.

Mille bêtises mille caprices…
Et toujours le sourire.
Mille rêves mille artifices…
Et toujours quelques rires.

Je n’ai jamais arrêté,
Je n’ai jamais oublié,
Ce que mon enfance m’a donné,
Un carambar rigolo et sucré.

Je ne suis plus un enfant,
Je ne suis plus tout petit,
J’ai grandi en courant,
J’ai mûri dans l’envie.

J’ai pris un peu des vieux,
J’ai pris un peu des sages.
Mais chaque fois que je veux,
Je pars à l’abordage

Des carambars plein les poches,
La liberté dans les yeux,
Je reste un sale petit mioche
Qui a fait de son mieux.

Je n’ai jamais arrêté,
Je n’ai jamais oublié,
Ce que mon enfance m’a donné,
Un carambar rigolo et sucré.

Un jour on m’a dit
Que mon air était con.
Mais j’ai surenchéri
Qu’au moins c’était bon.

Un jour on m’a dit
Que j’avais l’air débile.
Alors j’ai souri
En disant qu’c’était plus facile.

Un jour on m’a dit
Que je devrais être grand.
Alors je leur ai dit
Qu’ils devraient être petits.

Je n’ai jamais arrêté,
Je n’ai jamais oublié,
Ce que mon enfance m’a donné,
Un carambar rigolo et sucré.

[BIS]

Écoutez joyeuses gens,
Prenez un carambar,
C’est notre enfance à portée de dents
Inquiète à notre égard.

Laissez le vous manger.
Laissez le vous porter
A travers votre passé.
Et alors… vous grandirez !

jeudi 9 août 2007

Monsieur Louis


Monsieur Louis avait 86 ans lorsqu’il est mort. Il vivait en Guadeloupe dans cette petite maison blanche près de la mer, que le soleil caressait à travers les arbres. Quand il était jeune, c’était un homme qui vivait très simplement. Il se contentait de ce que la terre, la mer et le soleil voulaient bien lui offrir. Il disait que la vraie vie était ce qui la faisait et que vivre c’était survivre. Alors il ne faisait que ce qui lui permettait de vivre. Au fond il était sûrement paresseux.

Sa mère le bichonnait de tout son cœur et il mangeait et jouait comme bon lui semblait. Chaque minute était pour lui une minute à remplir de vie, seulement de vie. Il vivait ainsi, heureux et serein. Lorsqu’il eut vingt ans, la nature décida de lui enlever sa mère. Même s’il était triste, cela ne le rendit pas malade, il disait que c’était la vie. Il grandit seul avec son père et ses frères. Comme il était l’aîné, il dut aider son père dans les tâches ménagères. Chaque midi, il pendait alors le linge de la famille dans le jardin. Il s’accommoda facilement à cette activité, considérant qu’elle lui permettait de sentir sur sa peau le soleil dont il ne pouvait se passer. Et il continuait à vivre sa vie simple et rudimentaire.

En face, au-delà de la petite barrière, chaque midi, une jeune femme pendait aussi sa lessive. Au début Monsieur Louis ne la voyait pas. Il ne sentait que la chaleur des rayons du soleil l’envelopper. De toute manière, il ne voulait que cela, vivre. Rien de plus. Lorsqu’un jour, il lui manqua une pince à linge pour étendre le dernier vêtement. Il était embêté car il ne voulait pas retourner dans la maison et monter les marches de l’auvent. Il était un peu paresseux. C’est alors que pour la première fois il vit la jeune femme en face étendre son linge. Elle était assez petite, et pour chaque pince à linge qu’elle mettait, Monsieur Louis assistait à une délicate danse qui se concluait par un mouvement gracieux sur la pointe des pieds. Il prit la pince à linge qu’elle lui offrit ce jour là, accrocha le dernier vêtement et rentra.

Le lendemain, il pendit sa lessive comme d’habitude, il avait déjà oublié la petite jeune femme d’en face. Mais lorsqu’il eut pendu le dernier vêtement et qu’il s’apprêtait à rentrer, la petite jeune femme l’appela et lui tendit une pince à linge. Il sourit. Il fit un immense sourire et la refusa. Il avait déjà tout pendu. Mais la petite jeune femme sourit aussi. Elle sourit et toute la beauté de son visage étincela sous le soleil. Elle insista pour qu’il la prenne. Ne sachant pas quoi en faire, il l’accrocha alors au bout du fil, sans vêtement.

Le lendemain, comme le surlendemain, la petite jeune femme lui reproposa une pince à linge alors qu’il n’en avait pas besoin. Chaque jour la petite jeune femme lui souriait et chaque jour elle lui offrait une pince à linge en plus. Il commençait à s’habituer à cet amusant rituel, il aimait bien regarder la petite jeune femme sourire. En lui, grandissait une envie qu’il ne connaissait pas encore. Il sentait qu’il se passait quelque chose, que sa vision de la vie en était troublée. Regarder une femme sourire, en quoi cela faisait-il vivre ?

Les jours passaient et ils ne se parlaient jamais, ils souriaient, simplement. Et cela leur suffisait à tous les deux : lui était paresseux, elle, préférait le silence. Sur le fil, s’accumulaient les pinces à linges. Plus le temps avançait, plus ils se souriaient longtemps. Quand la totalité du fil fut prise par les pinces à linge, il ne put plus pendre le linge de sa famille. Ce jour là, ils se sourirent très longtemps. Le soleil commençait à rougir et ils se souriaient toujours. Lorsque le crépuscule apporta la musique de la nuit et que le soleil disparut dans la pénombre, ils s’embrassèrent, chacun de leur côté de la barrière, leurs bouches goûtant le sourire qu’ils ne pouvaient plus contempler.

Monsieur Louis épousa la petite jeune femme qui souriait. Il ne pensait plus qu’il suffisait de survivre pour bien vivre. Il avait changé. Monsieur Louis était amoureux. Il vivait encore mieux. Et lorsqu’ils s’installèrent dans leur petite maison blanche près de la mer, sur le fronton, ils tendirent en souvenir le fil plein de pinces à linge qui les avait réuni…

lundi 6 août 2007

Futile objet...


Futile objet dans la rue abandonné. Morne gloire d’une industrie périmée. Pourtant la malice de son écran trouble nos pas. Sa familiarité dérange et nos habitudes chancellent. Les passants s’arrêtent et l’examinent comme s’il avait pu divertir encore un peu. Le gris est la couleur de sa fin, délicatesse enfin retrouvée. Nous connaissons son empire et sur notre passage, son aura joue encore avec nous. Ses lignes déséquilibrent l’esthétique. Ses formes fascinent notre inconscient. Nous passons, un regard, et nous partons. Alors que la pluie et la poussière rongent ses entrailles, un enfant, un sourire à la bouche, lui donne un coup de pied. Plaisir insolent et candide. Il en est fini de la boîte, la symétrie est brisée, la délicatesse, écroulée. L’enfant rit et part en courant. Ses pas raisonnent et s’éteignent. La nuit tombe. Le réverbère illumine la carcasse. Dans la rue grise et sale, trône la fragile statue de notre société.

samedi 21 juillet 2007

Souvenir...


Radieuse magnificence d’un été envolé. Mystérieuse incandescence d’un paysage rencontré…

vendredi 20 juillet 2007

Galopin


Galopin est content, galopin il est heureux et il saute à pieds joints dans les flaques d’eau parce que galopin il aime éclabousser les gens. Galopin il a toujours été un sale gosse, mais c’est un sale gosse heureux. Quand il éclabousse les gens c’est pour leur donner la possibilité de faire pareil pour qu’ils se libèrent de leur moule.
En fait Galopin il sauve le monde. Parce que faut pas croire que ce sont les adultes qui vont sauver le monde, plus on vieillit plus on devient con. Et plus on oublie. Les sales gosses ce sont les mieux. Parce qu’ils sont gosses et qu’ils sont sales, donc ils s’en foutent et n’ont pas de contraintes. Galopin est libre et c’est pour ça qu’il est heureux. Tout ce qui est faisable, il le fait, parce qu’il en a envie.
Galopin il s’en fout. Galopin il court, et jamais il ne regarde s’il prend un détour ou un raccourci. Parce que ce qui lui plait c’est de suivre ses envies. Et les meilleures envies, ce ne sont pas toujours les plus simples. Galopin est malicieux, galopin il aime jouer. Il aura toujours de quoi jouer. Galopin il est content. Des qu’il est né il a su qu’il serait content. C’est comme ça, il suffit de le vouloir. Et il l’a voulu.

mercredi 18 juillet 2007

Les choses qui glougloutent



Moi ce que j’aime bien, c’est quand choses glougloutent. Surtout ne pas en faire des ploc-plocs. Les laisser indemne sans les aïe ni les ouilles. Toujours prendre sans clac, garder sans les boums. Ca fait plaisir de voir les choses vous faire pschit dans le cœur. C’est vrai, c’est mon p’tit doigt qui me l’a dit sous les flops. Moi et mon p’tit doigt on a toujours été super prout. Quand un de nous deux se lâche, l’autre fait coin coin. C’est une symbiose au delà des bangs. Dans le bain parfois, je lui plouf quelques secrets. Et toujours ça chut entre nous.

Nous deux on est super guili guili pour la vie ! Et après, il me donne ses conseils, et souvent je tilte aux gens la clarté de son esprit. Un jour mon p’tit doigt il sera célèbre, et tous mes doigts lui flasheront des regards langoureux. Parce que mon p’tit doigt il sait faire glouglouter les choses. Et moi j’ho hisse à faire pareil. C’est pas facile mais si on sniff bien les choses, elles nous disent elle-mêmes comment les gratouiller.

Il faut panpan les idées qui atchoum. C’est vilain pour la santé de notre vélo dans la tête. Après on ne frotte plus rien, et on devient tout plop. Et les choses ne glougloutent plus. Non, à tout prix il faut éviter ça. Tout le temps. Si vous n’avez pas de petit doigt il parait que les petits orteils ça broum broum très bien aussi. Mais c’est moins sexy. Mais il ne faut pas laisser faire bam et croire que ce n’est pas important. C’est crucial super yahou. Alors, prenez votre petit doigt et faites glouglouter les choses, et au moins, moi, je serai ultra pouette pouette à votre place.

lundi 16 juillet 2007

La blanche grisaille


La blanche grisaille transforme les formes obscures du réel. La blanche grisaille, celle qui était couleur, celle qui était vivante, soupire les reflets d’une harmonie invisible. De l’ombre, naît la matière. Dans la matière, s’endorment les teintes. Point d’agonie, le noir et le blanc sont la ruine vivante d’un orchestre de nuances. Tout est musique. La blanche grisaille s’abreuve et compose. Chimère de la splendeur, elle nous emmène sur sa croupe au-delà de la vérité physique de la nature. Candeur et pureté dans ses lignes, dépouillement et élégance dans son corps. Elle est ce qui est, elle est ce qui n’est pas. Elle nous offre la poésie de l’élémentaire et du pauvre. Et dans l’immaculée maigreur de ses côtes, se lit la richesse de cœur de la nature.

dimanche 15 juillet 2007

Immensité...



A travers vide et infini, quand toute fin est abstraite, quand l’esprit subordonne les yeux, l’immensité nous subjugue et nous abandonne à nous-mêmes. Chaque souvenir s’évapore dans le vaste paysage, chaque pensée se perd au loin, chaque regard y retrouve son écho. Nous ne sommes rien, nous sommes peu, mais notre regard s’émerveille. Notre regard donne à l’immensité la quintessence de sa beauté. Nous nourrissons l’immense et l’immense boit notre fascination. Tout se mêle et s’embrase, tout… et nous sommes toujours rien. Tout et rien, cela enfante l’immensité. Sans la connaissance du rien, l’immensité est une banalité. Sans notre présence minuscule, ces océans perdent le diadème de la grandeur. Voir, sentir, écouter, toujours lire dans l’immense nos propres émotions. Se défaire de notre corps et épouser nos sensations. Faire de l’immense un joyau dans lequel se reflètent nos sens. Savoir l’immense, mais ne pas le voir. Etre. Oublier la fin et plonger l’immense à l’infini. Devenir. Si nous nous oublions, nous choisissons l’infini. J’aime y aller… J’aime y rêver…

samedi 19 mai 2007

Le Beau


Pourquoi aller loin lorsque la merveille est au bout de nos doigts de pieds ? Pourquoi vouloir croire que loin c’est beau et chercher là où jamais nous ne sommes ? Pourquoi ne peut on pas changer notre regard et voir comme si nous n’avions jamais vu ? Je crois que le beau n’est pas celui qui se revendique, je crois que le beau est celui qui ne veut pas l’être. C’est de cette volonté inesthétique que naît la beauté réelle, celle qui émeut, celle qui nous prend et nous emporte. Le beau n’est pas toujours à l’autre bout du monde et l’autre bout du monde est parfois tout près. La photographie permet de donner un nouveau regard aux objets, aux gens, aux paysages car dénués de leur contexte, les objets, les gens fascinent, leurs formes ne sont plus banales, elles changent de dimension. Ce que nous connaissons devient inconnu, ce que nous savions, nous l’oublions. Vouloir le beau c’est comme vouloir surprendre et prévenir en même temps, vouloir le beau c’est absurde. Le beau ne se veut pas, le beau se façonne lui-même à partir de nos yeux, de nos envies, de nos sentiments. Le beau ne se crée pas, il est tout et rien, il est partout et nulle part. Le beau pousse et grandit, fane et périt. Toujours, partout, n’importe où, n’importe quand. Personne ne crée le beau, les choses sont belles, déjà. Le beau est impalpable, immodelable, irreprésentable. Le beau c’est cette essence inesthétique que les choses ont et que nous transcendons par notre regard. Le beau c’est ce qui est, pas ce qui sera. C’est l’existence et la présence des choses. Etre, voilà ce qu’est la beauté, voilà le verbe beau.

dimanche 22 avril 2007

Lumières


Dans la lumière, l’inconsistance et la résistance de la nuit. De la lumière, l’habit d’éclat pour le vide et le noir. Par la lumière, le baiser brûlant des couleurs sur notre rétine. Je marche et je sens les reflets ténébreux du vestige d’un jour gravant dans les méandres de la nuit ses rêves de joie. Moment irréel où sombre et clair s’assemblent, offrant à nos yeux l’indifférente beauté d’un tableau éphémère. Les mots se perdent dans l’encre noir d’une Seine endormie, puis renaissent, transcendés par la vie qui flotte sur la peau de la nuit. Grandeur, rêverie, et fascination. J’aime. Je cours à travers les souvenirs qui se forment sur cette eau mystérieuse dans laquelle la magie du monde se réduit à un scintillement. J’aime. Les sons s’estompent dans la simplicité de cette lumière et je souris en oubliant de penser. J’aime. Je ne fais que respirer l’obscurité qui m’embrasse et m’efface dans cette intemporalité absolue. J’aime. La nuit me prend et le jour me tire. Je me perds en moi, rêvant à l’inconditionnel chemin que nous dessinons pour un peu d’amour et de vie.

jeudi 19 avril 2007

Conversation au musée


Discussion entre un homme et une femme dans un musée :

Elle : Ah bon ?
Lui : Oui, mais ce n’est pas un scoop.
Elle : Non je pense qu’il y a une grande majorité de croûtes dans ce musée et quelques biens dans les coins.
Lui : Etant donné que il n’y a pas l’air d’avoir plus de quatre coins dans cette pièce nous sommes d’accord.
Elle : Oui, pas très belle cette expo… les gens sont laids, on a connu mieux.
Lui : Ca doit être parce qu’on est le dimanche, trop d’intellos qui veulent se sentir exister.
Elle : Sans doutes. Donc tu te considères comme une croûte puisque tu n’es actuellement pas dans un coin ? Alors, il est où ton amour propre ?
Lui : Oui, je suis un moche-bien moi.
Elle : Ah… Donc amour propre à mi cuve…
Lui : Non, je suis un moche-bien. Il existe deux types de gens moches : les moches-moches et les moches-biens. Mais bon, après il y a aussi les biens-moches et puis très rarement les biens-biens.
Elle : Et quelle est la différence entre tout ça môssieur ?
Lui : Dans l’ordre de tri décroissant ce sont d’abord les moches-biens au top, ensuite les biens-biens, puis les biens-moches, et en dernier les moches-moches… Parce que, être bien-bien c’est ennuyeux, la perfection ça n’a rien d’excitant, ça ne palpite pas, ça ne pétille pas, tout est prévisible dans la perfection, pas de piment… Et puis c’est mieux d’être moche-bien que bien-moche : il vaut mieux avoir l’air amélioré que raté…
Elle (rires) : Donc ton amour propre se porte toujours bien si je comprends bien… Mais alors entre les biens-biens et les biens-moches, pourquoi les bien-biens sont mieux ?
Lui : Ca c’est simple, par exemple, pour les repas, tu préfères un mec qui a inventé la machine à faire les repas ou un mec qui a inventé la machine à courber les bananes ? Les deux ont une qualité : l’imagination mais l’un est parfait, l’autre raté… Tu remarqueras que le moche-bien les surpasse tous les deux puisque, lui, fera lui-même les repas, ne tombant pas ainsi ni dans la routine industrielle et automatique de la perfection, ni dans la frustration que procure un bien-moche de par son côté raté.
Elle : Mhh… je vois. En quelque sorte, je suis une moche-bien alors ! Merde si j’avais su ça plus tôt ça m’aurait évité de vouloir avoir l’air parfaite et de m’empêcher de péter au lit.
Lui : Mais machère, le pet est la consécration de l’interdit, ainsi l’action de péter revient à exprimer son talent à refuser l’interdit que tout le monde accepte, y compris les biens-biens. Mais l’exemple est un peu glissant, car l’action d’expulser des flatuosités entraîne une suite d’évènements qui n’entrent plus dans la dialectique de l’interdit.
Elle : Oui je vois ce que tu veux dire, ne persistons pas ici. Allons voir l’autre salle.
Lui : Allons-y gaiement, entre moches-biens.

Epilogue : Finalement, ils se marièrent, furent très heureux, et eurent beaucoup d’enfants (?) qui eurent le droit d’exercer les joies de la flatulence tant que les conséquences n’entraînaient pas d’inconvénients d’ordre olfactif.

mardi 10 avril 2007

Une fois...


C’est à l’eau que je prends, dans le vent qui s’y noie,
Quand je vois en avant, les mers blanches du temps.
C’est à l’eau que je prends, un peu de moi là bas,
Quand le froid et la pluie, effacent l’or d’antan.


C’est à l’air que je donne, quand sonnent les hautbois
Un peu de vous ou moi, pour un jour caressant.
C’est à l’air que je donne, quand rayonne tout bas
Un peu de votre voix, pour un ciel tournoyant.


C’est à vous que j’écris, pour la nuit que l’on voit,
Un peu de notre temps, dans l’orange et le blanc.
C’est à vous que j’écris, pour garder sous nos toits,
Un peu de cet endroit, où s’endorment nos chants.


Je ne suis qu’un passant, dans le sable des rois,
Je ne pense qu’à mon souffle, qui halète en dansant.
Je ne suis qu’un passant, sur la terre qui rougeoie,
Je ne souffle qu’une fois, le parfum d’autrefois.

La couette

Pourquoi n’aime-t-on pas se lever ? Pourquoi le temps c’est de l’argent ? Pourquoi l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ? Moi je ne suis pas d’accord. Je trouve qu’il faut beaucoup plus de courage à rester vautré sous la couette un jour où il faut travailler. Et puis la couette, c’est le plus grand catalyseur d’idées et d’actions qu’on ait fait au monde. Il n’y a qu’à voir tout ce qu’on y fait sous la couette. Moi j’y dors, je rêve, je mange parfois, je travaille aussi (comme ça je fais un peu sérieux quand même), je me végétalise, m’animalise, je refais le mythe de la caverne, je joue à cache cache, parfois crac crac boum boum, parfois presque du sport, je lis, je dessine, je regardes des films d’intello (bah oui faut bien se la péter un peu, je vais pas dire que je regarde des navets), j’y suis dans tous les sens, allongé, assis, de travers, à l’envers, étalé, en piquet, en chien de chasse, en nounours, en guimauve, en chandelle (bon ça j’ai essayé qu’une fois, à part avoir les pieds qui respirent, le reste c’est plutôt congestif)… On y passe presque la moitié de sa vie dans sa couette !
Non je pense qu’il faut reconsidérer réellement le statut de la couette dans la société. Si nous n’avons pas assez de gens épanouis c’est que la couette n’a pas été mise en valeur dans les mœurs. Il faudrait inventer une thérapie de la couette. Qui n’a jamais rêvé de venir au boulot avec sa couette ? Ca ne changerait que la vision strictement rétinienne de l’efficacité au bureau. Tout le monde sait comment on est efficace au boulot. On est efficace parce qu’on a que ça à foutre. Si nous n’étions pas efficaces, on s’emmerderait. C’est là qu’est le vice ! Avec une couette, nous ne serions pas efficaces par peur de l’ennui, nous serions efficaces par prédisposition environnementale agréable. La couette c’est le futur de la HQE (Haute Qualité environnementale pour les incultes et les ignares) (oui je me la pète encore, mais il parait que c’est bon pour la santé alors faites pas chier hein ?).
Et puis imaginez les avantages, le patron arrive, hop ! On se cache sous la couette, on ne bouge plus et il disparaît, un commercial vient faire son speach ? Hop tu le saucissonnes dans la couette et tu le chatouilles jusqu'à ce qu’il sorte de son costume trois pièces guindé jusqu’aux orteils. Le rêve… ! Non vraiment si on veut de nouveau conquérir le monde, faire du temps de l’argent, et posséder l’avenir, il est nécessaire de remettre la couette au sein de notre schéma social. Moi je vous dis, sarko, sego, bayrou et tous les autres ils n’ont rien compris, ce qu’il faut à la France ce sont des couettes. D’ailleurs si tout le monde me supplie je veux bien me dévouer pour être président. Mais alors président au lit ! bien entendu. Et puis comme ça on m’apportera les croissants avec un petit drapeau français ça me fera cure-dent. Je suis trop ambitieux ? Tant pis ! Mais alors cette année, votez utile et stratégique, votez la couette ! Poils à la tête.

jeudi 29 mars 2007

La pluie


Certains n’aiment pas la pluie, certains se couvrent de parapluies ou de manteaux. Certains attendent sous un abri. Pourtant quand on a goûté à la pluie une fois, on sait que l’on veut recommencer. Quand on senti une fois son infinité sur son visage, on veut en connaître plus. Quand on senti une fois la goutte chatouiller son nez ou sa tête, on veut sourire encore. Quand une fois nous sommes passés d’un homme propre à un homme mouillé, on veut de nouveau transgresser cet état incongru. La pluie c’est ce que les gens nous apprennent à craindre. Alors qu’un soleil nous fait plus de mal, nous nous protégeons de la pluie. Que croyons-nous savoir au final ? J’aimerais que la pluie soit la matière de notre idylle, j’aimerais que le ciel gris renverse ce qu’on nous a appris. Ouvrir la bouche et manger le ciel, ouvrir la bouche et boire sa quintessence, ouvrir la bouche et vivre de ce que nous ne savions plus. Qu’avons-nous pour oublier de nous émerveiller devant ce vent qui transporte l’eau, devant cette pluie qui ne fait qu’une et pourtant étincelle de milliards de gouttes ? Oublions plutôt nos habits, oublions ces bienséances, oublions nos angoisses. Vivons le regard vierge et la tête jeune. Vivons de pluie et d’envies. Choisir son ciel, choisir ses sensations, choisir sa vie. C’est là que tout commence. C’est là que nous sommes vraiment. C’est là que nous nous connaîtrons.

Nous sommes là

Des fleurs pour une femme. Des fleurs comme l’allégorie de sentiments. Des fleurs pour une pensée. Je ne crois pas que ce soit cela qui m’ait donné envie d’en offrir. Une fleur, c’est la couleur, une fleur c’est la vie qui éclot et qui se détache de la verdure omniprésente autour d’elle. Une fleur n’a pas d’environnement, elle se détache de lui tout en le sublimant. Elle n’a pas de loi et rayonne du même éclat, enracinée dans la terre comme plongée dans un vase. Une fleur c’est un monde à elle seule qui enfante le monde qui l’entoure. C’est un regard sur le monde par un autre monde. Offrez des fleurs et nos regards traverseront ce monde. Là où nos envies pétillent et virevoltent. Nous sommes là.

De l'inutile

Inutile de pisser du haut d’un falaise, inutile de bronzer les orteils écartés, inutile de sauter à pieds joints dans une flaque d’eau, inutile de sonner chez tous les voisins à 4 h du matin, inutile de regarder les habits changer de couleur quand la machine à laver commence à envoyer la sauce, inutile d’avoir des lunettes à paillettes, inutile de savoir roter exprès, inutile de chanter sous la douche…

En fait j'aime l'inutile, je trouve que c'est uniquement de cela que sont faits les meilleurs moments. Pour prendre un exemple culinaire : se brosser les dents, c’est emmerdant et c’est utile, mais manger un gros chocolat bien collant et sucré c’est inutile. Il ne faut pas confondre l'utile et le vital, se nourrir c'est vital mais non utile. Quand je mange un steak avec de la purée c’est vital. Si je rajoute de la moutarde ça devient inutile. Et si j'en donne la moitié à mon poisson rouge c'est utile.

Je jouis de l'inutile. L'inutile c'est tout moi. Je ne sers à rien pour toi. Mieux vaut te trouver un paire de ciseaux ça te sera plus utile. MAIS SI TU ES AUSSI INUTILE, viens faire des bulles de savon avec moi, on fera la course de celui qui finit son tube en premier. Inutilement, bien entendu !

Tout là haut...

Je n’ai qu’une envie simple et vagabonde, donner quelques mots et m’enchanter de leur écho…

La lettre

Déchire papiers et ouvre lettres, pâle nuit face à la couleur d'un mot bien heureux, désordre de feuilles, mots parsemés, je n'ai qu'une odeur à l'oreille, la paisible et agréable chanson que voilà... Octaves limpides au fond d'une mer de notes, j'aime, je nage, coulant et roulant sous la houle de souvenirs à peine nés. Florilège de bonheurs, sommets oniriques, peu importe leur immensité ou leur grandeur. Aveugle et sourd, me voilà de nouveau perdu, me voilà emporté dans un nouvel élan, vers un pays mystérieux dont j'ai souvent oublié le nom. Trop tôt pour y voir le jour, trop tard pour savoir quand il a émergé. Labyrinthe vivant, dédale séduisant que je ne peux repousser. Advienne que pourra...

mercredi 28 mars 2007

Le temps


Le temps me chatouille les côtes, il me taquine. Il vient me chuchoter sur la peau son envoûtant tic-tac. Pas de répit, il est là, toujours à gambader dans mes yeux. Et je suis impatient. Voilà ce qu’est le temps, un obsessionnel rigolo qui vient nous perdre dans ses méandres, nous donner le futur en pâture et nous l’enlever avant même que l’on puisse y goûter. Je dois me résigner, je dois sourire de ses chatouilles et attendre. Inutile de résister.
Nous sommes des rires perdus entre le passé et le futur, nous coulons notre joie dans le temps malicieux et impartial. A nous de rêver et d’attendre, le temps dessinera son horizon à travers nos envies. Nous pourrions faire semblant de ne plus être impatients, mais le temps fait corps avec nous, si nous le trompons, nous nous trompons. Le temps est infatigable, il est comme une marée incessante qui vient nous lécher le bout des pieds. Toujours là, il nous éclabousse de son attirante lumière et nous incite à y plonger.
Alors j’hume l’écume de son sillage et je vis. Je vis pleinement de ce présent si délectable, je vis de cette attente qui encense nos jours, je vis joyeusement, les yeux rieurs et le nez à l’horizon.
Je ne saurai me taire encore et encore, j'ai les bouts des doigts qui me démangent et qui veulent danser, j'ai les neurones qui s'amusent et abusent, les mots viennent et partent mais reviennent toujours, j'ai perdu mon silence un jour de pluie, je l'ai échangé contre un perroquet, il m'a répété un peu de vie, il m'a mordu le bout des doigts à jamais, alors j'écris, j'écris, j'écris, à l'assaut de la vie !
London, green park.

Je vais te raconter une histoire... Connais-tu le stellopode ? C'est un animal très très rare, très craintif. Je ne suis pas sûr que son existence ne soit pas juste issue de mon imagination. Mais il parait que l'on peut l'apercevoir certaines nuits. Je l'ai déjà vu dans mes rêves, alors je continue à croire que je pourrai le voir un jour... ou plutôt une nuit...

Le stellopode ne mange pas, ne boit pas, ne dort pas. Il ne bouge pas non plus. Il est là, toujours au même endroit, dans le ciel. Quand le jour se lève, il se cache dans les courants d'air. Sa seule activité est d'arpenter la nuit, de refléter la lumière d'une étoile, celle qui le cache, celle derrière qui il sera toujours. Les pieds dans les étoiles, le corps dans le firmament stellaire de la nuit. Il n'a pas la même intelligence que nous, il ressent, ne vit que par les vibrations de l'air, le son des étoiles.
Parait-il qu'il sait reconnaître qui saura le voir. Personne ne sait quel effet cela fait. Personne n'en parle. C'est un secret bien enseveli en chacun de nous. Quand on grandit, souvent on l'oublie. On le laisse s'évaporer chaque nuit, à chaque rêve, vers les nuages. Je te raconte tout cela pour que tu n'oublies pas non plus, pour que je n'oublie pas, comme toi. Pour que mon secret ne soit plus tout seul, pour qu'il puisse se mêler à la nuit et vouloir revenir. Bonne nuit...
 
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